Tribune Stéphane Lhomme 12/03/2018

Tribune de Stéphane Lhomme publiée dans le Monde le 12 mars 2018.

Vingt-six députés de La République en marche (LRM) ont publié une tribune favorable au déploiement par Enedis des compteurs communicants Linky (« Le Monde » du 2 mars 2018). Leurs arguments méritent d’être discutés… et même rectifiés.

En premier lieu, il faut noter que ce texte aligne les affirmations gratuites et les slogans creux, certains étant même scandés deux fois : « Les compteurs Linky sont un outil majeur au service de la transition énergétique », « Ils permettent de piloter plus efficacement le réseau », « Ils permettent aux consommateurs de mieux maîtriser leur consommation électrique » ou (encore !) « C’est une composante majeure de la transition énergétique »

Un abonnement plus cher

Par ailleurs, les signataires avancent une étude qui assure que le Linky « pourrait permettre jusqu’à 23 % d’économies d’énergie » : on n’est pas loin du régime qui permet de « perdre 25 kg en 5 jours en mangeant à volonté ».

Mais il ne faut pas oublier que le distributeur Enedis est une filiale à 100 % d’EDF… qui vit en nous vendant de l’électricité et qui, déjà proche de la faillite, n’aurait assurément pas autorisé un programme sabrant ses rentrées financières. De toute façon, alors que le déploiement des Linky n’en est qu’à son début, il apparaît déjà un peu partout que, loin de permettre des économies, ces compteurs démultiplient beaucoup de factures et obligent de nombreux usagers à prendre un abonnement plus cher pour ne pas disjoncter continuellement.

Les députés LRM démontrent qu’ils sont autant « hors-sol » que leurs prédécesseurs en avouant d’abord qu’ils ne sont que des courroies de transmission au service de l’Elysée, promouvant « la transition énergétique promue actuellement au plus haut sommet de l’Etat français ».

Mais le plus édifiant est qu’ils prétendent – peut-être le croient-ils vraiment ! – qu'”il n’existe pas de dysfonctionnement et ou de plainte généralisés.”

Or, les innombrables articles de la presse quotidienne régionale en attestent, plus de 500 municipalités (de tous les bords politiques) s’opposent aux compteurs communicants, des centaines de collectifs “Stop-Linky” se démultiplient partout en France, et leurs réunions d’information réunissent des salles bondées où les gens viennent se plaindre de tous les maux que les compteurs Linky leur font déjà subir : surfacturations, incendies, dysfonctionnements ou même destructions des appareils électroménagers, sans oublier les diverses exactions opérées sur la population par les sociétés privées mandatées par Enedis pour imposer les compteurs communicants.

Par ailleurs, concernant les ondes et la question sanitaire, le texte se contente de reprendre mot pour mot les éléments de langage de l’industriel Enedis, oubliant d’ailleurs que les Linky doivent être dotés dans un second temps des ERL (émetteurs radio Linky) qui vont transformer chacun de ces compteurs en puissant émetteur wi-fi : les mesures effectuées aujourd’hui ne peuvent donc mettre en évidence les émissions générées demain. Il est d’ailleurs évident que cette opération en deux temps n’est pas fortuite et vise à tromper la vigilance citoyenne et à permettre aux agences d’Etat d’être parfaitement rassurantes… le temps que les Linky soient installés.

D’autre part, il faudrait être bien naïf pour accorder le moindre crédit aux belles assurances données concernant l’utilisation des innombrables données qui vont être captées sur nos vies par les compteurs Linky : une foi ceux-ci installés, il faudra 5 minutes au gouvernement en place, que ce soit dans 3 ou 5 ou 10 ans, pour décréter que, finalement, ces données seront utilisables sans l’accord des usagers.

On peut d’ailleurs prédire l’utilisation des bons vieux arguments comme “Ceux qui n’ont rien à cacher n’ont rien à craindre” ou “De toute façon, il y a déjà Facebook et les téléphones mobiles”. Or nous avons le droit de protéger notre vie privée et il est fortement conseillé de se méfier des réseaux sociaux et des opérateurs téléphoniques. La seule façon d’être certain de ne pas être espionné par un compteur communicant est… d’avoir un compteur ordinaire.

Pour finir, il faut dire haut et fort que la question des Linky est avant tout une question démocratique, et qu’il est insensé que, dans un pays dit démocratique, tous les moyens soient utilisés pour imposer des compteurs communicants à d’innombrables citoyens qui n’en veulent pas. Une des caractéristiques du macronisme – et de ses députés godillots – est d’être “en marche” forcée vers un implacable totalitarisme numérique, lequel fera sous peu passer les services comme la securitate et la stasi pour d’archaïques amateurs.

Stéphane Lhomme
Conseiller municipal de Saint-Macaire (Gironde)
Animateur du site web http://refus.linky.gazpar.free.fr